mercredi 12 octobre 2011

BELVEDERE - Revue de Presse - Une synthèse sur l'AFP

Spiritueux: Marie Brizard, le verre de trop pour Belvédère

NIMES, 12 oct 2011 (AFP) - Par Pierre PRATABUY


Trois doses de dette, une de Marie Brizard, un doigt de vodka polonaise chère à Bruce Willis et un zeste de fonds d'investissement: les ingrédients du feuilleton Belvédère forment un drôle de cocktail pour le groupe de spiritueux en difficulté financière.

Dernier coup de théâtre, mardi: le remplacement du PDG historique Jacques Rouvroy, qui quitte l'entreprise pour "raisons personnelles", par son bras droit Krzysztof Trylinski, cofondateur du groupe.

Deux jours avant que la cour d'appel de Nîmes réexamine, jeudi, la validité de la sauvegarde de Belvédère, M. Trylinski a également annoncé la cession de deux marques, invitant les créanciers du groupe à négocier pour sauver ses 3.650 emplois, dont 750 en France.

Mais après trois ans de crise, ces derniers ne font plus confiance au propriétaire de l'anisette Marie Brizard, de la vodka Sobieski et du whisky William Peel, qui a cumulé 293 M d'euros de pertes nettes depuis 2008 et compte plus de 600 M EUR de dettes. Des montants qui n'ont pas empêché MM. Rouvroy et Trylinski d'augmenter leur rémunération en 2010.

A sa création en 1991, le groupe fait dans le packaging, flairant un marché pour l'alcool haut de gamme: ses bouteilles de vodka sérigraphiées font un tabac. Au tournant des années 2000, la Pologne privatise ses distilleries et Belvédère se lance dans la production.

Les difficultés commencent en 2006, quand il achète Marie Brizard en empruntant 375 M EUR sur le marché américain sous forme d'obligations à taux variable ("floating rate notes", FRN). Dès 2007, il revend deux marques dont Pulco à Orangina, pour racheter ses actions dans le cadre d'un conflit avec leur principal détenteur, CL Financial, un fonds de Trinidad et Tobago que le groupe sort de son capital.

"Ils se sont surendettés en payant Marie Brizard trop cher et en cédant aussitôt les actifs les plus rentables", déplorent les créanciers aujourd'hui.

Surtout, Belvédère viole des clauses de l'emprunt obligataire, qui prévoyait que l'argent de la vente d'actifs soit réinvesti ou serve à rembourser les détenteurs de FRN. Les agences de notation sanctionnent le groupe, la valeur de ses obligations perd jusqu'à 80% et son action chute en Bourse.

Des "rapaces", selon Belvédère, arrivent alors pour racheter de la dette à bas prix. Parmi eux, le fonds américain Oaktree Capital, qui possède une activité de vodka en Pologne et lorgnerait sur Sobieski, 7e marque mondiale dont l'acteur américain Bruce Willis fait la promotion depuis qu'il est devenu actionnaire de Belvédère fin 2009.

"Ils racontent une histoire qui les arrange pour gagner du temps", dément un porte-parole d'investisseurs détenant plus de 60% de la dette du groupe, dont Oaktree. "On s'en tient aux faits: ils ont bravé des interdits et les créanciers, qui n'ont rien perçu depuis l'été 2008, veulent être remboursés".

A cette date, Belvédère s'en remet à la justice: le tribunal de commerce de Beaune, où il a son siège, ouvre une procédure de sauvegarde. Fin 2009, un plan rééchelonne la dette sur dix ans, revente de Marie Brizard à la clef.

Fin 2010, le groupe peine cependant à honorer sa première échéance de remboursement et les créanciers lui reprochent de ne pas respecter ses engagements sur Marie Brizard. Ils l'attaquent en justice et la cour d'appel de Dijon met fin à la sauvegarde en juin 2011.

"On s'est fait enfumer sur le calendrier des cessions", dénonce M. Rouvroy.

Mais le feuilleton rebondit dans le Gard, où Belvédère obtient une nouvelle sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Nîmes, via une filiale de Marie Brizard, la maison de vins Moncigale. Le parquet a fait appel de cette décision, dans laquelle les créanciers ne voient qu'une "manipulation" pour sauver la holding sur le dos des filiales.

"On en a marre d'être ponctionné", déplore un délégué syndical chez Moncigale, où un emploi sur trois a disparu depuis 2007 et où on redoute désormais une faillite du groupe.

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